Abélégué étudie le développement international avec une spécialisation dans l'intégration régional. Il poursuit aussi la philosophie avec une spécialisation dans l'épistémologie.
Suivez Abélégué sur Twitter @alfabe89
Abélégué étudie le développement international avec une spécialisation dans l'intégration régional. Il poursuit aussi la philosophie avec une spécialisation dans l'épistémologie.
Suivez Abélégué sur Twitter @alfabe89
Après les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD, 2000-2015), la communauté internationale prospecte le nouvel horizon sur le développement durable. L’évaluation des OMD en septembre 2015 a permis l’élaboration de 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) pour la période 2015-2030. Parmi ces 17 points, certains nécessitent une implication des langues locales, particulièrement en Afrique où le taux d’alphabétisation en langues internationales est plus ou moins bas selon les pays. Il est donc difficile de mobiliser les populations d’arrière-pays, à moins d’user de leurs dialectes comme canal.
Parmi ces objectifs, on peut citer ceux touchant l’éducation inclusive et de qualité pour tous (objectif 4). Du fait de la sous-scolarisation, la génération vieillissante est majoritairement analphabète. La langue locale demeure donc le seul moyen pour l’inclure dans l’éducation. Ce qui permet de créer un contact avec la population, pour mener des actions de sensibilisation sur les autres aspects des ODD : lutte contre les feux de brousse et la désertification (objectif 13), gestion des forêts et campagne de reboisement (objectif 13), opération de salubrité et d’assainissement (objectif 16), culture du dialogue interculturel et de la paix, etc.
Les huitième et neuvième points des ODD font aussi appel aux langues locales. La croissance inclusive et durable, l’emploie et le travail décent pour tous (objectif 8), la lutte contre les inégalités (objectif 9) passent par une promotion de la richesse culturelle locale. D’une part, il s’avère impossible d’assurer un emploi décent aux personnes analphabètes, à moins de trouver des alternatives (comme la valorisation de leur potentiel culturel) pour les intégrer. D’autre part lutter contre les inégalités c’est promouvoir un équilibre entre les différents peuples, en valorisant les langues et cultures minoritaires.
L’enseignement est la principale voie de promotion des langues vernaculaires. Le pluralisme linguistique qui caractérise bon nombre d’États ne doit pas être vu comme un obstacle infranchissable. Il est possible de décentraliser l’école primaire jusqu’au niveau communautaire. De telle sorte, la langue d’un village serait enseignée dans les écoles de ce village. L’objectif est de favoriser le développement local participatif, pour faciliter l’implication de tous à la vie publique.
Malheureusement, cette stratégie est difficilement applicable aux villes. En effet, les villes sont « cosmopolites » et il n’est pas possible d’imposer une langue à tous les élèves, d’autant plus que les élèves autochtones peuvent ne pas être absolument majoritaires dans les villes. Pour pallier à cette difficulté, nous proposons l’ouverture des laboratoires de langues. Chaque laboratoire regroupe les élèves parlant la même langue et venant de divers établissements. Le laboratoire dispense les cours, évalue les élèves et communique les notes à leurs établissements respectifs. Le rôle de l’État serait de créer et équiper ces laboratoires et de dresser une carte linguistique nationale
Au-delà de la promotion de toutes les langues au niveau du primaire, des langues fédératrices sont enseignables au secondaire. L’objectif ici est de promouvoir l’intégration des différents peuples d’un pays. Nous entendons par langues fédératrices celles parlées par de personnes d’horizons culturels et linguistiques voisins en plus de leur langue maternelle, et pouvant avoir une dimension transnationale. Ce qui va créer un climat favorable à l’intégration régional et sous-régional. Au Cameroun on peut avoir le Fulfulde au Nord (aussi parlé dans plus d’une dizaine de pays d’Afrique centrale et de l’Ouest), le Beti-fang au Sud-Cameroun (parlé aussi au Congo, au Gabon et en Guinée équatoriale) et le Pidgin dans les zones anglophones
Les langues locales sont un non négligeable pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durable. Leur valorisation doit avoir un ancrage au niveau communautaire. Pour ce faire, il est possible d’élaborer des stratégies à deux niveaux : familial et locale. Au plan familial, il faut que les individus aient la volonté d’apprendre et de parler leur langue. Cela doit se faire sans peur de n’y pas parvenir et sans honte d’être jugé « villageois ». D’ailleurs, il ne sera pas trop de repartir à zéro même pour les personnes assez adultes. Pour faciliter la tâche aux enfants, les parents peuvent adopter le dialecte comme langue de communication à la maison. Les familles urbaines gagneront aussi à passer des vacances au village.
Le second plan est celui de la communauté de base (village, groupement tribal, etc.). À ce niveau également, la langue locale peut être recommandée comme outil principal de communication communautaire. L’organisation de festivités culturelles sera nécessaire pour valoriser les connaissances et les acquis. À travers ces festivités, des expressions artistiques (récits, poèmes, contes, chants, etc.) en langue locale peuvent faire l’objet de concours à l’issu duquel les plus méritants seraient primés. Ce qui galvaniserait l’ensemble de la communauté à l’appropriation de la langue locale. Par-dessus tout, une institutionnalisation est nécessaire à ce niveau. Les locuteurs d’une même langue doivent constituer un comité de langue devant faire office d’« Académie ». Ce comité veillera à la scientificité de la langue, son enrichissement par de nouveaux concepts, l’édition des manuels d’apprentissage, l’organisation des cours de langues, l’arbitrage des concours, etc.